L'HOMME ENTRE DEUX ÂGES ET SES DEUX MAÎTRESSES
JEAN de LA FONTAINE
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Un homme de moyen âge, Et tirant sur le grison, Jugea qu'il était
saison De songer au mariage. Il avait du comptant, Et partant De
quoi choisir. Toutes voulaient lui plaire ; En quoi notre amoureux ne se
pressait pas tant ; Bien adresser n'est pas petite affaire. Deux veuves
sur son coeur eurent le plus de part : L'une encor verte, et l'autre un peu
bien mûre, Mais qui réparait par son art Ce qu'avait détruit la nature.
Ces deux Veuves, en badinant, En riant, en lui faisant fête,
L'allaient quelquefois testonnant, C'est-à-dire ajustant sa tête. La
Vieille à tous moments de sa part emportait Un peu du poil noir qui restait,
Afin que son amant en fût plus à sa guise. La Jeune saccageait les poils
blancs à son tour. Toutes deux firent tant, que notre tête grise Demeura
sans cheveux, et se douta du tour. Je vous rends, leur dit-il, mille grâces,
les Belles, Qui m'avez si bien tondu ; J'ai plus gagné que perdu :
Car d'Hymen point de nouvelles. Celle que je prendrais voudrait qu'à sa
façon Je vécusse, et non à la mienne. Il n'est tête chauve qui tienne,
Je vous suis obligé, Belles, de la leçon.
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